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Photo du rédacteurPhilippe Duquesnois

Yourcenar, Cambier et la faculté...

Rudy Cambier a-t-il été influencé, peut-être inconsciemment, par Marguerite Yourcenar ?


Cette dernière a-t-elle dans son roman « l’Œuvre au noir » donné les pistes permettant de démystifier Nostradamus ?




Tous ceux qui ont lu les livres, et les différents articles consacrés par Rudy Cambier à cette affaire de Cambron, n'ont pas pu ne pas être surpris par les références constantes au destin qu’évoque l’auteur pour justifier ses démarches… comme s’il ne comprenait pas lui-même pourquoi il s’était engagé sur ce terrain miné qu’était l’étude des Centuries de Nostradamus.


« Je rencontre un cousin qui me dit, lis ce livre... »


« Je ne sais pas pourquoi, mais ce jour-là je vais...»

« Un ami que je n’avais pas vu depuis des années, me conseille de me rendre... »

« Un gars que je ne connaissais pas vient chez moi... »


Bref, comme si la découverte que fera Rudy Cambier au terme de ses recherches, était uniquement balisée par la destinée, et que cette dernière avait posté à des endroits stratégiques (bibliothèque de Mons, centre culturel Ellezelles…) des relais avisés et chargés de le mener à la Vérité et de le faire passer pour l’Attendu...

Et si effectivement, l’enfant du pays des collines était prédestiné...


Tentative d'explication


Alors que je "travaillais" sur un scénario de fiction (une série télévisée) qui puisse mettre à disposition de tous le travail de Rudy Cambier, je m'étais mis en chasse d'un endroit du monde où un professeur d'université pouvait ressembler à un Indiana Jones non pas professeur d’archéologie mais de littérature, savait parler français pour pouvoir étudier dans le texte les Centuries et être assigné au tribunal dans le cadre de son travail de recherche sur… Nostradamus !


Après une vaste recherche tout azimuts, je jetai mon dévolu sur une région nord américaine qui me semblait parfaite ! Le nord-est des USA, où se trouve l'Université du Maine...


En effet, on parlait encore français dans cette région frontalière du Canada, nous étions en Amérique (USA), donc un professeur d'université qui joue du lasso et du revolver ne dépare pas et surtout, on peut envisager absolument tous les procès possibles et imaginables sans passer pour un hurluberlu, tellement les avocats ont pris de l’importance dans ce pays.


Le procès Nostradamus pourrait avoir lieu ! Enfin !


J’avais jeté mon dévolu sur l’Université d’Edmundston, située en pleine terre acadienne à la frontière des USA et du Canada..

.

Argument concernant la localisation


"La seule étude exhaustive du « français de la Vallée » a été effectuée par Geneviève Massignon en 1946 et publiée en 1962. Elle conclut que le Madawaska possède une langue plus « canadianisée » due à la proximité du Québec. Elle y nota un mélange de vocabulaire et de phonétique acadien et canadien français mais une morphologie typiquement canadienne-française. Les mots d'origine maritime, dont certains seraient communs au régions francophones du Canada, y seraient fréquents. Selon Yves Cormier, de l'Université Sainte-Anne, la langue conserve certains éléments du vieux français utilisés nulle part ailleurs. Selon Ronald Labelle, du Centre d'études acadiennes, le seul caractère distinctif du français du Madawaska est son accent et que, bien qu'on y retrouve des mots acadiens, il ne diffère pas du français québécois


Du côté américain, le Madawaska est la région du Maine où la langue française est la plus utilisée. La langue peut être entendue dans la vie quotidienne de toutes les communautés et certains villages ont même des messes célébrées en français. L'usage du français décline au Madawaska américain chez les personnes âgées de moins de 30 ans et la proportion d'enfants d'âge scolaire ayant le français pour langue maternelle a baissé de 18 % entre 1987 et 19916. La plupart des habitants de la région comprennent toujours la langue mais certains ne sont pas capables de s'exprimer. En 1970, la proportion de francophones s'élevait à 85,9 % à Fort Kent et à 96,5 % à Sainte-Agathe. En 1990, cette proportion était de 88 % à Fort Kent, Madawaska et Van Buren. L'usage du français décline graduellement à l'ouest de Fort Kent et à l'est de Van Buren mais diminue brusquement au sud de cette dernière. Le français est utilisé couramment avec l'anglais dans une conversation.


L'éducation se faisait à l'origine en français dans les écoles tenues par les communautés religieuses. Avec l'instauration de l'école publique obligatoire, son enseignement a été banni des années 1910 aux années 1960, sauf comme « langue étrangère » et son usage en classe était puni. Les programmes scolaires bilingues ont commencé dans les années 1970. En 1991, 40 % des enfants savaient s'exprimer dans les deux langues mais cette proportion montait à 55 % à Fort Kent.


Bien que l'anglais soit compris par la majorité de la population, les unilingues anglophones sont désavantagés au Madawaska, à l'embauche comme dans la vie quotidienne. Leur langue inclut des influences françaises dans le vocabulaire et la syntaxe"



Bref, je pouvais créer un personnage, qui avait toutes les qualités selon moi pour ressembler à un enquêteur partant sur les traces de Nostradamus, de plus il vivait dans une région où trois langues étaient parlées... la langue amérindienne native (importante selon moi, pour la toponymie), l'anglais et le français ancien ce qui ajoutait à l'intérêt. On pouvait naturellement comparer la situation linguistique à celle qu’avait connue Yves de Lessines qui compose son poème en tenant compte du flamand, du français et du picard...


Ce n'était pas négligeable.


J'annonçais donc cela à Rudy Cambier pour avoir son avis...


Il ne vit aucun inconvénient à ressembler à ce prof de fac un peu aventurier, mais il me dit, en passant et il le confirmera par mail : « C'est là que Marguerite Yourcenar a enseigné... »


Son mail :


"Mon cousin J. (en fait le fils de ma cousine C.) est depuis toujours membre des amis ou de la fondation Marguerite Yourcenar. J'ai d'ailleurs fait une conférence pour eux lors de leur visite à Ellezelles. Il connaît le mont Noir et sa région mieux que sa poche. Et J. est allé péleriner dans le Maine sur les pas de Marguerite. Le chat de C. et J. s'appelle Zénon.

Amitiés,

Rudy."


Zénon, précisons-le, étant le nom du héros du livre de Marguerite Yourcenar que nous allons maintenant éplucher ! Et quel héros !


Anna Carlstedt parle de Zénon dans son livre : La poésie Oraculaire de Nostradamus, langue, style et genre des Centuries.


"Sur le plan des idées Nostradamus devient, comme un grand nombre de philosophes et poètes du XVIe siècle, un creuset tel que Yourcenar (1968) a décrit l’homme type de la Renaissance, dans « l'Œuvre au Noir » : ainsi Nostradamus se trouve dans le débat entre l’Église et la Réforme. Il se place à mi-chemin entre le dynamisme subversif des alchimistes et l’astrologie, entre l’imagination visionnaire des cabalistes et le versant catholique, entre l’empirisme matérialiste du praticien et l’hermétisme qui voit Dieu en tout."


On peut discuter de savoir si Nostradamus est vraiment cet homme type... mais, pour notre démonstration, il nous faut prendre en compte l’avis de ces deux autrices. Pour elles, Nostradamus est "l'homo renatus", un humaniste de la Renaissance un peu médecin, un peu alchimiste, plus tout à fait catholique mais totalement astrologue...


Et c'est donc dans "l'Œuvre au noir" (Prix Fémina 1968) que nous trouverons un parfait sosie de notre Nostradamus... mais en plus d'être ressemblant en tout avec notre prédicteur d'avenir, en plus de cette similitude troublante, le dit Zénon a des accointances certaines avec Yves de Lessines et Rudy Cambier… et avec l’ambiance, le climat, l’atmosphère qui règne dès que l’on approche du mystère de Cambron...


C'est donc l'objet de cet article dont la thèse centrale pourrait être : «Rudy Cambier connaissait le livre de Yourcenar avant de se voir proposer la lecture des Centuries, et ce sont les souvenirs de ce texte de Yourcenar qui ont permis l'élaboration de la thèse de notre philologue des collines !


Démonstration :


A noter : Dans l’article toutes les références du livre l'Œuvre au Noir le sont de l'édition Folio de chez Gallimard – 1991.




Avant lire :


Pour éviter les arguments qui avanceraient qu'il n'est pas possible qu'un texte lu puisse plusieurs années après intervenir dans la compréhension d'un autre texte sans que le lecteur ne s'en rende compte, je cite, en avant lire donc, un extrait de l'Œuvre au Noir qui explique cette possibilité (page 462 – Notes), je ne sais pas si c’est possible, mais Marguerite Yourcenar le croyait :


"Pendant l'audition d'une série d’œuvres de Bach, j'ai entièrement composé en esprit, avec environ six ou sept ans d'avance sur la composition réelle, la conversation entre Zénon et le chanoine quelques heures avant la mort de Zénon. Une fois sortie, j'ai complètement oublié ce dialogue. Mais je savais que je le retrouverais un jour."


L'ouvrage est suivi d'une partie "Notes sur l'Œuvre au Noir" sorte d'annexe, ou de postface où Marguerite Yourcenar explique la longue genèse de ce roman fondateur. Dans cette note de la page 462, elle précise que beaucoup de scènes qui apparaissent dans l'histoire finale ont été inventées bien avant l'écriture du livre, elles ont été oubliées puis sont réapparues au bon moment du récit...


C'est ainsi que l'on pourrait imaginer le cheminement du texte de Yourcenar dans l'esprit de Rudy Cambier, il l'a lu, comme a son habitude l'a digéré, puis l'a remisé au fond de sa mémoire et se l'est remémoré inconsciemment en lisant les Centuries, de là le jaillissement de la lumière... Yourcenar avait besoin d'un relais pour aller au bout de sa réflexion !



Éléments qui permettent d'identifier formellement Zénon à Nostradamus, contre l’avis de la faculté... comme toujours dirais-je !


Page 75 : On parle du héros qui vient de quitter sa ville natale (Bruges) précipitamment pour éviter des ennuis : "On sut plus tard qu'il avait d'abord passé quelques temps à Gand, chez ce prévôt mitré de Saint Bavon... d'autres assuraient qu'il tenait ses diplômes de l'Université de Montpellier"...


C'est une référence claire et directe à Nostradamus qui a fréquenté l'Université de Montpellier et y a peut être obtenu des diplômes (et peut être aussi, rencontré Rabelais), mais aussi à Yves de Lessines qui aborde plusieurs fois la ville de Gand (six fois) et celle de Bruges dans son texte...


Un peu plus loin dans son texte (toujours page 75), Yourcenar évoque Gallien, dont on sait qu'il a été traduit (mal) par Nostradamus !


Ce passage décrit les premières années de la vie de Zénon, dont on ignore presque tout... alors on peut bien sûr y voir un procédé scénaristique de l'auteur, voulant laisser le lecteur dans l'incertitude, mais on ne peut manquer également de discerner une concordance éclatante avec une partie de la vie de Nostradamus : entre le moment où il quitte Montpellier, poursuivi (?) par l'Inquisition et le moment où il se fixe à Salons de Provence.


La première partie du livre s'appelle d'ailleurs "la vie errante", titre que l'on pourrait donner aux premières années de la vie de Nostradamus dans une biographie...


Page 121 : "La peste, venue d’Orient, entra en Allemagne par la Bohème. elle voyageait sans se presser, au bruit des cloches, comme une impératrice"...


C'est la même peste que Zénon, dans le livre, et Nostradamus, dans la vraie vie, combattront ! C'est bien la preuve qu'ils sont contemporains et qu'ils ont la même formation (et le même courage ?). Selon la chronologie donnée par Yourcenar, Zénon serait un peu plus jeune que Michel, mais il sont confronté directement, physiquement à la maladie...


Et s'il fallait encore douter que Nostradamus soit le modèle de Zénon :


Page 164 : Un interlocuteur de Zénon : "Nostradamus à Paris prédit l'avenir et exerce en paix. Que vous reproche-t-on ?


(Réponse de Zénon) : Il concède le faire grâce à une aide d'en haut ou d'en bas..?. ces messieurs trouvent plus impie l'absence de tout cet attirail de démons ou d'anges dans des chaudrons qui chantent... Puis les quatrains de Michel de Nostradamus, dont je ne fais pas fi, tiennent en haleine la curiosité des foules pour l'annonce de calamités publiques et de morts royales..."

L'interlocuteur de Zénon ne fait que lui signaler qu'il fait exactement la même chose que Nostradamus, mais que contrairement au provençal qui n'est pas ennuyé, lui l'est !


Toutes ces coïncidences, ces similitudes, cette mention littérale de Nostradamus et ce jugement sur ses prophéties montrent que le personnage fictif de Zénon a été conçu en tenant compte d'éléments de la vie de Nostradamus, mais plus encore voyons maintenant quel type de production émanent de Zénon, parce que lui aussi publie des livres.


Page 181 : "L'envie lui était venue de faire imprimer en France ses PROPHÉTIES dont il s'était occupé de façon intermittente toute sa vie"


Cette information sur ces "Prophéties" intervient alors que Zénon voyage entre le lac Malar (Suède) et Louvain, en passant par l'Allemagne. Mais il semble évident que Marguerite Yourcenar insiste pour que les Prophéties soient imprimées en France... comme celles de Michel de Nostradamus. Rappelons que "Les Prophéties" est le premier titre sous lequel le livre de Nostradamus sera publié !


C'est une référence évidente à Nostradamus, on pourrait d'ailleurs dire exactement la même chose en parlant de Nostradamus, mais moins encore que celle que l'on trouve un peu plus loin dans le livre, page 182. En effet, alors qu'elle aborde une description des "environs d'Audenarde", Marguerite Yourcenar poursuit en nous racontant qu'à Paris Zénon rencontre Ruggieri qui le présentera à la Reine Catherine.


Cosme Ruggieri (? - 1615) fut l'astrologue attitré de Catherine de Médicis, son père "il Vecchio" avant lui, fut celui de Laurent II, le père de la reine Catherine.


Reprenons le texte de Yourcenar :


(La Reine dit en s'adressant à Zénon) : "Que n'ai-je mieux entendu vos Pronostications, où j'ai vu naguère des calculs sur la longueur de la vie communément accordées aux Princes. Et nous aurions peut être évité au Roi le fer de lance qui me fit veuve !"


Marguerite Yourcenar reprend exactement la prétendue prophétie selon laquelle Nostradamus aurait annoncé la mort du Roi dans un tournoi.. cette phrase ne peut évoquer personne d'autre que Nostradamus !


« Le Lyon jeune le vieux surmontera,

En champ bellique par singulier duelle,

Dans cage d'or les yeux luy crevera.

Deux playes une, pour mourir mort cruelle. »


On sait maintenant que cette « prophétie » n'a été interprétée que longtemps après la mort du Roi (et de la Reine) et que c'est tardivement que l'on a cru y voir une annonce prophétique... Yourcenar devance un peu la critique en laissant entendre que la Reine dit à Zénon qu'elle a mal lu son annonce pourtant précise et que, du coup, elle n’a pas compris !


Il n'y a plus de doute : Marguerite Yourcenar a utilisé force anecdotes, parfois posthumes, de la vie de Michel de Nostredame pour échafauder la stature de son héros !


Michel de Nostredame ne rencontra pas la Reine à l'occasion de la mort du Roi, c'est plus tard qu'il fut invité à la Cour, il s'y rendit, tout en se cachant, craignant les poursuites...


Page 163 : "J'ai eu vent que les poursuites causées par mes Pronostications reprennent de plus belle"


Encore une allusion de la vie de Zénon tirée de celle de Nostradamus.


Arrivé à ce point de la démonstration, force est de constater que Marguerite Yourcenar s'est fortement inspirée de Nostradamus pour bâtir son personnage, il serait malhonnête de réduire Zénon à une copie moderne de Michel de Nostredame, Zénon est un personnage complexe, inquiet, tourmenté, mal dans sa peau, Yourcenar en a fait un homosexuel refoulé, ce n'est pas lui faciliter la vie en ces temps inquisitoriaux...


Mais il serait tout aussi malhonnête de ne pas voir des aspects de la vie de Nostradamus dans le récit.


D'accord, me direz vous, Marguerite Yourcenar a pris Michel de Nostredame pour modèle, de là à dire que Rudy Cambier y a vu une manipulation littéraire cosmique, il y a du chemin...


Laissons là les ressemblances physiques ou intellectuelles pour entrer dans l'intrigue du livre et d'y voir comme une indication à suivre un chemin parallèle à celui que prendra le lecteur lambda.


D'abord qui était Zénon ?


Zénon est le fils d'un nommé Messer Alberico, florentin qui a été envoyé à Bruges après être tombé en disgrâce alors qu'il courtisait au Vatican... on l'a envoyé dans le Nord, récupérer des créances, mais surtout pour qu’il attende que le vent tourne...


C'est ce qui arrivera bientôt, au changement de Pape, Messer Alberico s'en retournera à Rome, non sans laisser un souvenir chez une jeune brugeoise, Hilzonde, ce sera Zénon...


Yourcenar laisse entendre que le père de Zénon ignorait la grossesse de sa maîtresse quand il regagna l’Italie, on rappelle que c'est une fiction et que l'auteur décide de ce qui arrive à ses héros. Ne pas nous dire précisément si le père de Zénon est au courant de ce qu'il laisse à son amie est significatif de la volonté de Marguerite Yourcenar de ne pas vouloir que son héros soit un enfant abandonné et aussi que son père, Messer Alberico était en pays flamand pour de toutes autres raisons...


Que faisait le père de Zénon à Bruges quand il ne lutinait pas les jeunes filles ?


Page 25 : "Messer Alberico passa de bonnes heures... à rechercher dans les paisibles monastères néerlandais les manuscrits antiques oubliés, les érudits italiens auxquels il communiquait ses trouvailles croyaient voir refleurir en lui le génie du Grand Marsile !"


Marsile est un médecin théologien italien, contemporain d'Yves de Lessines...


Alors si le père de Zénon cherche des manuscrits, parce qu'il s'ennuie, on peut lui pardonner et l'on peut imaginer que c’est un élément du scénario, mais quand on connait le destin de son fils, et la ressemblance avec un homme qui lui a trouvé un manuscrit dans un paisible monastère du Nord... on pourrait y voir un premier semblant de piste. Nous verrons plus loin ce qu’il faut penser de l'expression « paisibles monastères néerlandais »...


Revenons à Zénon, page 244 :


"Parfois pour se distraire, il mettait par écrit de prétendues prophéties qui satirisaient en réalité les erreurs et monstruosités de son temps en leur donnant l'aspect inusité d'une nouveauté ou d'un prodige. A l'occasion, et en guise de divertissement, il communiquait à l'organiste de saint Donatien... quelques unes de ces bizarres énigmes. L'organiste et sa moitié se creusaient la tête à en pénétrer le sens, comme des devinettes, puis en riaient sans y voir malice."


C'est l'exacte définition donnée par Rudy Cambier pour décrire les Centuries de Nostradamus, quasiment au mot près ! Énigmes bizarres, devinettes... ainsi que les thèmes de ces devinettes : les erreurs et les monstruosités de son temps...


Comme si Marguerite Yourcenar voulait prévenir le monde sur la réalité des Centuries : ce ne sont pas prétendues prophéties, ce sont des énigmes derrière lesquelles se cachent la réalité d’un temps pas si lointain...


A la page 140 déjà elle nous prévenait, Zénon utilisait le double entendre lorsqu'il écrivait... comme Yves de Lessines :


"J'avais pourtant pris soin d'envelopper ma pensée de toutes circonvolutions qui conviennent. J'avais mis ici une majuscule, là un Nom. J'avais même consenti à encombrer ma phrase d'un pesant attirail d'Attributs et de Substances. Il en est de nos verbiages, comme de nos chemises : elles protègent celui qui les porte, et n’empêchent pas dessous d'être tranquillement nu."


A noter, l'utilisation par Marguerite Yourcenar, pour parler de ces textes, du vocable "verbiage", comme Yves de Lessines utilise plusieurs fois dans son long texte la formule le « Verbe d'Yvain » !


L'auteur prévient également, attention Zénon, homme de la Renaissance parle comme au Moyen âge :


Page 461 - Notes : "Autant qu'on pense en latin articulé, Zénon pense en latin du Moyen âge. Il faut de temps en temps, donner le la"


Rudy Cambier, n'a pas fait autre chose : lire le texte des Centuries avec les yeux et les oreilles d’un médiéval.



On trouve le mot "sang" à 139 reprises dans les Centuries, Zénon à l'issue de son histoire, bien malheureuse, s’en retournera à Bruges, ville du Saint Sang pour se suicider en se coupant les veines et regarder le liquide de vie s’écouler... c'est dire si la présence du sang est constante et dans les Centuries et dans le livre de Yourcenar.


Rudy Cambier affirme que la plus grande valeur du trésor des Templiers est représentée par des reliques... le Saint Suaire, le Saint Graal : reliques, s'il en est, relatives au sang divin...


C'est le conseil que nous donne Yves de Lessines :


"Rebours ferré suyvra du sang la trace."


Tournons nous une dernière fois vers le texte de Marguerite Yourcenar - Page 139 :


"Vous souvenez vous des appréhensions du chanoine de saint Donatien ? Vos pronostications des choses futures auront confirmé ses craintes les plus noires ; votre opuscule sur la nature du sang... il vous exorciserait, si le malheur vous ramenait à Bruges"...


Saint Donatien est le Saint patron de Bruges, au temps de Zénon, la cathédrale Saint Donatien devenait le siège du diocèse de Bruges. elle se situe Place du Bourg, lieu évoqué selon Rudy cambier en I - 33 et en X - 47 des Centuries.


On voit ici la concomitance évidente entre le texte de Marguerite Yourcenar, du Saint Sang, des Pronostications et de la ville de Bruges !


Rappel : titre du livre de Zénon Pronostications des choses futures", celui de Nostradamus : Pronostications perpétuelles…









D'une manière étonnante, les exégèses consacrées au prix Fémina 1968 n'identifient absolument pas Nostradamus dans le personnage de Zénon (même s'il est évident qu'il ne s'agit pas d'une biographie du Mage de Salons), pourtant Marguerite Yourcenar n'a jamais caché son appétence pour l'ésotérisme, l'astrologie et l'hermétisme en général... le titre du livre, référence visible à l'alchimie, levant les derniers doutes, s'il en restait encore !


D'ailleurs, à la demande d'une graphologue célèbre de l'époque, l'actrice Colette Monceau, Marguerite Yourcenar répond : "Mais le fait est surtout que ce qui m’intéresse dans ce genre d’études est la méthode plutôt que le résultat. Comment et pourquoi tel trait de plume se traduit en termes de psychologie ou de destin pour le graphologue ? Que signifie cette majuscule ou cette barre d’un trait d’union ? Du moins, que signifient-elles à ses yeux ? C’est cela surtout que le profane curieux de sciences mi-naturelles, mi occultes, aimerait savoir."


Mais la réalité est tout autre chez les intellectuels spécialistes de Yourcenar, à part on l’a vu plus haut, chez Anna Carlstedt, mais qui, elle, ne consacre pas son travail à une étude du livre de Marguerite Yourcenar, mais sur Nostradamus :


Jean Michel Bolzinger.


« Zénon est un homme d’action et de réflexion dont les traits empruntent tour à tour ceux de Léonard de Vinci, d’Ambroise Paré, d’Érasme, de Paracelse et de Campanella... »


Wikipédia :


« Sa vie errante et sa fin (refus de rétractation) ne sont pas sans rapport avec celle de Giordano Bruno. Ce personnage est également inspiré de penseurs du seizième siècle persécutés par les autorités religieuses comme Paracelse, Michel Servet, Copernic, Étienne Dolet ou Tommaso Campanella. Plusieurs affirmations de Zénon proviennent, selon Marguerite Yourcenar, des Cahiers de Léonard de Vinci... »


Bref, on va chercher dans la personnalité de tout ce que la Renaissance compte d'humanistes éclairés pour trouver l'origine de la conception de Zénon, alors que plusieurs éléments du scénario pointent sans aucune discussion possible vers Nostradamus ! Que ce soit la peste et la manière de donner des soins, l'université de Montpellier, la scène avec la Reine Catherine (et l'objet de la rencontre), le titre des livres de Zénon… toutes ces circonstances heureuses ne peuvent absolument pas laisser place au doute. Ce ne sont pas des coïncidences ! Et s’il y a un modèle à chercher pour imaginer d’où vient Zénon, c’est à Salons de Provence que nous le trouverons !




Marguerite Yourcenar, en lisant Nostradamus a-t-elle deviné la véritable origine de ce texte qui l'a troublé ? A-t-elle deviné, elle la flamande (de son vrai nom, Marguerite Cleenewerck de Crayencour), que sous le texte de ces prophéties, vivait un autre message, une autre vérité qu'elle pouvait ressentir mais ne pas expliquer... il lui manquait quelque chose.


Les seuls, qui à l'époque envisageaient que Michel de Nostredame, au moins le texte des Centuries, puisse avoir une lecture alchimique, parmi les nombreux autres « entendre », sont les membres du groupe Atlantis (Serge Hutin écrira bientôt un "Nostradamus et l'Alchimie" peu convaincant d'ailleurs), qui en plus de voir un souffleur dans l'auteur du texte des Centuries, affirment aussi que le texte parle de la fin de l'Ordre du Temple et qu'il a été écrit bien avant la Renaissance ! On l'a dit, Marguerite Yourcenar n'était pas insensible à cette littérature occulte...


A-t-elle donc décrit dans un livre un héros qui publie des Pronostications, mais qui serait né en Flandres, plus qu'en Provence, qui aurait laissé, on l'a vu, plusieurs niveaux de lectures dans son texte, tout en y enserrant des énigmes rédigées en « latin du Moyen âge »... le tout se déroulant à l'endroit, la Place du Bourg, que l'auteur des Centuries a localisé précisément dans son texte...


Et s'il fallait encore en douter, Yourcenar nous affirme que parfois un texte lu, ou imaginé, peut ressortir de la mémoire où il était enfoui, quand le besoin s'en fera sentir, la prémonition n’étant pas étranger au vocabulaire de l’académicienne.


Elle n'a pu, elle qui avait une sensibilité à fleur d'esprit, ignorer, ou au moins ne pas deviner, les allusions à sa terre natale, le retour perpétuel des mêmes obsessions (la Flandre, le Hainaut, le Temple, le sang, le renouveau...) dans le texte des Centuries.


N'a-t-elle osé faire mention de Nostradamus, elle qui entrera à l'Académie Française, craignant les sarcasmes du milieu parisien ? Elle connaît cette coterie et la méprise, elle qui préféra vivre dans ces solitudes du nord américain… peut être a-t-elle choisi, elle aussi, le texte à double entendre pour y laisser son message…


S’est-elle résignée, après la découverte de ce sous texte nostradamien, à ne point le dire ouvertement de peur des moqueries, mais en laissant à l’avenir le soin de décoder son message pour pouvoir décrypter celui, plus lointain, de Nostradamus. Et a-t-elle compris que seul un de ses « pays » pouvait entrevoir le message caché, d’où ces références multiples à cette zone linguistique qu’elle connaissait si bien ?


Si l’on prend ce livre avec nos connaissances numériques actuelles, et que l’on bâtit un algorithme tenant compte des éléments semés dans le livre :


- Nostradamus

- Vieux manuscrit

- Abbaye néerlandaise (Yourcenar ne peut ignorer le sens de « neder » qui signifie « plus bas », l’expression se lit donc : abbaye des Pays Bas, à l’époque du père de Zénon, les Pays Bas des Habsbourg englobent le Benelux actuel plus la région Nord de la France, l’abbaye de Cambron se trouve bien évidemment dans cet ensemble)

- Bruges

- Sang

- Double entendre

- Latin du Moyen âge

- Alchimie

- Prophéties, énigmes.

- Réminiscence (les textes enfouis dans la mémoire)


Et que l’on croise cette séquence numérique avec les éléments suivants :


- Vieux français

- Flamand

- Picard

- Histoire du Moyen âge

- Connaissance de la toponymie

- Géographie


Notre Google historique et subliminal devrait nous orienter vers une personne qui possède toutes ces qualités pour démystifier le texte des Centuries !

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