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Photo du rédacteurPhilippe Duquesnois

La transmission... de la pierre au récit !


Les pierres bleues de Stonehenge

L'article précédent consacré aux proto-voies qui ont permis aux bâtisseurs de Stonehenge d'amener les pierres du Pays de Galles jusqu'à Salisbury Plain se terminait par ce paragraphe :


"Le plus grand mystère restant d'expliquer comment ces faits, que l'on date au mieux du deuxième millénaire avant JC, soient arrivés aux oreilles d'auteurs du douzième siècle ! Existait-il un texte ancien qui aurait pu servir de source à Geoffroy de Monmouth et à Lucius de Tongres pour qu'ils puisse rapporter l'histoire de ce peuple extraordinaire dont nous n'avons d'autres informations que par les routes et les pierres qu'ils dressèrent dans nos régions ! Mais il existe obligatoirement un moyen de transmission entre les bâtisseurs et les auteurs du douzième siècle !"




Rappelons brièvement les faits, un archéologue, Mark Pearson, identifie formellement la carrière d'où ont été extraites les pierres bleues que l'on trouve à Stonehenge. Il y a deux types de pierres qui sont utilisées pour ce monument, les bleues donc, dont on sait qu'elles viennent du Pays de Galles et les plus grandes appelées sarsens et qui viennent de sites plus proches. Mais concentrons nous sur les pierres bleues...


Or, et c'est là que ce situe l'origine du problème, les gens qui ont sorti les pierres de l'affleurement rocheux l'ont fait, 400 avant que ces pierres soient amenées à Stonehenge ! Pourquoi ces pierres sont restées si longtemps sans être utilisées...


Cela n'avait pas de sens, sauf si le monument de Stonehenge avait été édifié dans un premier temps à proximité immédiate de la carrière ! D'autant, et c'est là que la transmission intervient, une légende du douzième siècle affirme que Merlin (l'enchanteur) a transporté d'une région située à l'Ouest (Irlande...) un monument entier (le cercle des Géants) pour bâtir Stonehenge !


La question étant donc, qui a pu informer Geoffroy de Monmouth, auteur du  premier livre qui met Merlin en scène, de cet état de fait ? Rappelons que Merlin est un vocable issu d'une ville située sur la route qui permet justement de charrier les pierres jusqu'à Stonehenge.


On peut bien sûr penser à un texte, puisque les sumériens utilisaient "l'écriture" bien avant que l'on ne construise Stonehenge... mais on n'a jamais trouvé en Europe occidentale le moindre artefact qui rappelle de près ou de loin une transmission écrite...


Le bouche à oreille ? Et pourquoi pas !


Alfred Howitt est un anthropologue et naturaliste australien, né en 1830 à Nottingham en Angleterre, qui fût un des premiers à étudier la société aborigène. Ainsi dans son livre "The Native Tribes of South East Australia" (1904) lorsqu'il relève les conversations qu'il a avec des Gunai / Kurnai vivant dans le sud-est de l'Australie, on lui parle des « mulla-mullung », sortes de sorciers qui pratiquent la médecine et différents rituels d'ensorcellement, sorciers que l'on consulte dans des grottes.



Alfred Hewitt

Cette documentation est réalisée au XIX ième siècle, pas de danger qu'une acculturation quelconque puisse avoir pollué l'histoire sociale des Gunai / Kurnai. Ces sorciers existent et surtout ils pratiquent encore, quand Hewitt rencontre les individus pour son enquête.


Ce qui permet à l'anthropologue de décrire précisément une pratique culturelle particulière :


"Des cheveux, un vêtement ou un objet appartenant à la victime étaient attachés au bout d'un bâton enduit de graisse humaine ou animale. Ce bâton était planté dans le sol devant un petit feu de bois Le sorcier se mettait alors à chanter jusqu'à ce que le bâton finisse par tomber. Le rituel était ainsi terminé."


Alfred Howitt indique, dans son témoignage, que cette pratique existe encore au moment où il réalise ses observations et que la transmission de cette culture se fait de manière orale de génération en génération.


Quoi de plus naturel qu'une tradition qui se transmet oralement dans une société primitive, la datation, quand on a affaire aux témoins contemporains est toujours imprécise et pour tout dire inutilisable : "ça fait longtemps", "on a toujours fait cela"... mais tout va changer avec une publication en 2024 dans la revue scientifique Nature Human behaviour d'une découverte à Cloggs Cava qui va révolutionner les sciences sociales.



L'équipe d'archéologue va en effet découvrir les preuves irréfragables de la réalisation de la cérémonie chamanique décrite plus haut dans des terrains sédimentaires datés du dernier âge de glace !


Vieux de 10 à 12 000 ans !


La description de Hewitt concernait une cérémonie précise, avec plusieurs étapes, plusieurs matériaux bien précis, dans des lieux déterminés, il n'est pas possible d'invoquer ici une quelconque coïncidence ou une vague ressemblance entre la cérémonie décrite au dix neuvième siècle et les éléments retrouvés datés de de 8000 ans avant JC ! Il ne s'agit pas ici d'une croix vaguement dessinée sur les parois d'une caverne, que des ésotéristes de la Tradition identifient avec une civilisation pré chrétienne. Mais d'une fouille menée par des archéologues que des ethnologues ont ensuite replacée dans l'espace socio culturel de l'ethnie Gunai / Kurnai.



Les outils nécessaires à l'envoutement

Preuve est faite que pendant des milliers d'années (500 générations) des gestes, des cérémonies, des légendes (!) peuvent se transmettre de maître à apprenant (dans ce cas certainement, ce type de cérémonies dans les sociétés primitives sont souvent opérées par des initiés) simplement par une transmission orale.


Et ce qui est possible avec les secrets chamaniques des aborigènes peut l'être également avec les légendes qui concernent le savoir faire des hommes qui on bâti Stonehenge.


De même les textes du douzième siècle qui évoquent la construction des Chaussées Brunehaut (contemporaines et reliées à Stonehenge) peuvent aussi avoir été écrits sur la base de transmission orale.


Un site français reprend des éléments de l'article de Nature Human Behaviour en le titrant : "Les aborigènes d’Australie perpétuent le plus vieux rituel du monde depuis 12 000 ans !" contrairement à l'étude initiale qui fait remonter la cérémonie au dernier âge de glace. Sans doute le fait que les aborigènes n'ont jamais utilisé l'écriture, et peut être un tropisme qui voudrait que les peuples primitifs non européens aient tout inventé, fait écrire cette affirmation aux auteurs de Futura-sciences.


Mais si cette transmission a été possible en Australie, ne peut-on imaginer que certains évènements occidentaux classés dans la catégorie des légendes, récits mythologiques ne soient aussi d'abord transmis sur un temps long par le bouche à oreille et ensuite retranscrit pour nous arriver sous forme d'informations non documentées !


Comme les narratifs de Platon sur l'Atlantide, ou plus proche de nous, les textes de Jacques de Guyse (et de ses inspirateurs Lucius de Tongres et Nicolas Rucléri) aient eux aussi d'abord transités jusqu'à nous par le bouche à oreille, avant d'être couché sur le vélin.


Ce qui donnerait quelques crédits aux histoires relatives aux Chaussées Brunehaut.







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