Dans le numéro 268 d'Atlantis de juin 1972, consacré à "CHINON et l'énigme Templière", on trouve un article de GILDES, qui encouragé fraternellement par Héron de la Chesnay s'aventure sur le chemin tumultueux du décodage des quatrains de Nostradamus et propose un article intitulé :
"NOSTRADAMUS expliqué par les Templiers"
Gildes identifie une bonne cinquantaine de quatrains ayant un rapport direct, selon lui, avec la vie et la mort du Temple. Il n'évacue pas l'environnement politique de l'époque et trouve dans les vers du Mage de Salons (!) des relations directes avec les croisades, les difficultés franco anglaises, nous ne nous intéresserons ici aux quelques quatrains évoquant la fin du Temple et nous nous poserons aussi une question sur les sources de Beltikhine, le vrai nom de Gildes.
Un arrêt sur l'ouverture de l'article d'Atlantis :
"Le grand tappis plié ne monstrera,
Fors qu'à demy la pluspart de l'histoire :
Chassé du regne loing aspre apparoistra,
Qu'au fait bellique chacun le viendra croire."
Que Gildes présente comme une référence au caractère ésotérique de l'Histoire racontée, Geneviève Mouligneau a pu montrer dans un article du Verbe Divin, et je crois qu'elle a raison, que l'expression "grand tappis" est utilisée ici pour désigner le "Saint Suaire". C'est à noter, mais l'article de Wikipédia quand il parle des différentes origines du Saint Suaire reprend cette idée de pièce de tissus pliée qui ne permettait que d'apercevoir la tête du crucifié, connu sous le nom de Mandylion.
Le quatrain qui selon Gildes aborde la fin du temple est le V - 77 :
Tous les degrez d'honneur Ecclesiastique,
Seront changez en dial quirinal :
En Martial quirinal flaminique,
Un Roy de France le rendra vulcanal.
Il y en avait d'autres beaucoup plus évident, mais il ne les relève pas. Notamment le fameux I - 42, qui outre de citer la date de la bulle "Vox in Excello" qui clôt, pour Clément V cette affaire des Templiers (10 des Kalendes d'avril = 22 mars 1312) propose à la sagacité des lecteurs l'anagramme parfait de l'expression Saint Temple (amant et pselin) !
Le dix Kalendes d'Auril de fait Gotique
Ressuscité encor par gens malins,
Le feu estainct, assemblée diabolique,
Cherchant les os du d'Amant & Pselin.
Nous reviendrons à la fin de l'article sur le "problème" des sources émanant de cette société très discrète qui évoluait autour de la revue Atlantis. Pour l'instant je voudrais mentionner le propos de l'historienne Simonetta Cerrini à propos des prélats favorables au Temple et qui purent s'exprimer en dehors du royaume de France, c'est à la fin de la vidéo :
A la fin de cet entretien vidéo de haute tenue entre SIMONETTA CERRINI, ALAIN DEMURGER et JULIEN THÉRY, l'intervenante italienne voulant remettre le procès du temple dans sa dimension européenne, nous rappelle des faits, qu'en France et en Belgique, nous avons souvent l'habitude d'occulter, ou du moins de ne pas prendre en compte :
À Cesena, l'archevêque de Ravenne et l'évêque de Rimini entendent deux Templiers qui se déclarent innocents. Clément V, par une bulle datée de Poitiers le 12 août 1308, confie la direction de l'enquête aux archevêques de Ravenne et de Pise et à l’évêque de Crémone pour l’Italie du Nord. Un de ces templiers, Andrea de Sienne, mentionne avoir entendu que de nombreux Templiers qui ont avoué l'ont fait par peur de la torture.
Finalement, un concile est réuni à Ravenne le 18 juin 1311, que préside l'archevêque. Sept Templiers se présentent et nient les accusations. Un vote est réalisé au sein du concile et la décision est prise de ne pas appliquer la torture puis de libérer les innocents et punir les coupables. De plus, il est également décidé que les Templiers qui se sont rétractés après avoir avoué par peur des tortures sont considérés innocents, ce qui constitue un fait unique dans le procès de l'Ordre. Enfin, le concile recommande de ne pas supprimer l'ordre du Temple si la majorité des frères s'avèrent non coupables des faits reprochés.
Selon madame CERRINI cette position de l'archevêque de Ravenne, Rinaldo da Concorezzo fera par la suite jurisprudence concernant les témoignages reçus sous la torture, mais aussi, et c'est surtout cet aspect qui est novateur, si les témoignages sont reçus après des menaces de tortures... L'Archevêque sera écarté de son siège après sa prise de position.
Dante et Mgr Rinaldo da Concorezzo (ils étaient tous deux de Ravenne, Dante le considérait comme un Illuminati...). On se souvient également de lui pour la sentence innovatrice par laquelle il conclut le procès des Templiers (concile provincial de Ravenne du 17 au 21 juin 1311). En tant que responsable des poursuites contre les chevaliers du nord de l'Italie (Vénétie, Lombardie, Romagne et Istrie), il a statué sur l'acquittement complet des chevaliers accusés, faussement accusés d'avoir trahi la religion chrétienne pour la religion musulmane. Rinaldo a rejeté les aveux obtenus sous la torture comme preuve au procès. Dans ce procès, il a également prononcé une condamnation claire de la torture comme outil d'enquête, fait unique en Europe, tant dans le cas spécifique du procès des Templiers que plus généralement dans le contexte du droit médiéval.
Ces faits se déroulent rappelons le, en 1311, bien avant l'écriture des Centuries par Yves de Lessines.
Les archevêques de Ravenne et de Pise et l’évêque de Crémone sont donc chargés par le Pape de vérifier la moralité des templiers transalpins ! Ne pourrait on voir dans le quatrain 26 de la centurie VI, une référence à ce fait :
"Ravenne & Pise, Veronne soustiendront,
Pour eslever la croix du Pape envie".
Que l'on retrouve les trois villes, on pardonnera la mélecture (Vérone - Crémone, Nostradamus est coutumier du fait) dans le même quatrain accolées à la "croix du pape" ne peut être un hasard. Yves de Lessines affirme déjà à l'époque que tous les évêques ne furent pas vendus au Roi de France ou à Clément V
On trouvera six fois le mot Ravenne dans le texte, quatre fois il signifie que l'auteur parle de la ville de Ravenne, mais par deux fois (en VI - 26) et en I - 6, comme souvent quand il parle d'un prélat , Yves de Lessines utilise le nom du siège :
"L'oeil de Ravenne sera destitué,
Quand à ses pieds les aisles failliront"
L'archevêque a effectivement été destitué...
La Commission pontificale italienne qui fût chargée de vérifier certains aspects du procès des Templiers était composée de:
- Rinaldo de Concorezzo (Mgr of Ravenna)
- Polo Giovanni (Mgr de Pisa)
- Lottieri Della Tosa (Évêque de Florence). A sa mort en 1308, Il a été remplacé par Antonio d'Orso
- Rainerio le Porrina (Évêque de Crémone.
On l'a vu plus haut, Rinaldo de Concorezzo a été destitué peu de temps après que la commission ait rendu son verdict, l'évêque de Crémone, Rainero le Porina subit le même sort. Quand à Polo Giovanni, l'évêque de Pise il fût nommé en 1312 à Nicosie, ce qui en cette période était tout sauf une promotion...
Arrêtons nous un court instant sur une assertion de Gildes dans l'article sus nommé :
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec ce que dit Gildes, d'ailleurs mêmes les commentateurs qui considèrent Nostradamus come un devin, reconnaissent qu'ils se trompe souvent dans l'écriture des noms propres... et communs !
Mais dans le paragraphe en question, d'où Gildes tire l'affirmation : "que Godefroy de Bouillon est de Boulogne, qu'un de Bologne a été un défenseur des Templiers au procès (et l'altération d'une lettre est reconnue courante chez Nostradamus... " tout en terminant le paragraphe en citant Véronne laisse penser que Gildes en sait beaucoup plus qu'il n'en dit (qu'il n'écrit !).
Pierre de Bologne était effectivement un défenseur du Temple, dans le quatrain qui nous importe et qui reprend les trois noms des villes où les évêques prirent la défense du Temple, on soupçonne une altération avant la reprise par le quatrain ! Le paragraphe se terminant par Véronne...
Quand on connait les habitudes des hermétistes, et leur relation avec les travaux de Piobb, qui fût le premier à soupçonner un message Templier chez Nostradamus, on peut effectivement se demander si cet article n'est pas une invitation à la quête...
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