Dans les derniers jours de l'année 2021, Michel Vallet sur son site "trésor de Rennes le Château" publiait un texte relatif à un article qui était passé "sous les mailles du filet... et qui avait échappé à la sagacité des chercheurs"...
Cette découverte venait un peu (beaucoup !) contrarier ma théorie...
Tiré du site trésor de Rennes le Château
Juin 1956. Rennes-le-Château. “Qui trouvera le trésor de Blanche de Castille ?”
Et effectivement, nous pouvions découvrir sur le site précité des extraits de l'article paru en juin 56, Pour ceux qui ne connaissent pas très bien la bibliographie (journalistique) de l'affaire de Rennes, il faut préciser que cet article arrive très tôt dans la chronologie de tous ceux qui composent ce dossier de presse. L'auteur du texte de Benjamin était Jean Charnève.
Benjamin est un journal français pour la jeunesse fondé par Jean Nohain, qui signait certains articles et scénarios de BD, de son nom d'artiste : Jaboune. Paru pour la première fois en janvier 1929, il prend fin en 1958.
Rechercher les témoignages les plus anciens pour documenter l'affaire de Rennes le Château est important et permet de bâtir une chronologie sérieuse peu susceptible d'être contredite. Les articles de journaux étant par nature datés, ce que l'on y trouve correspond à ce que l'on savait à l'époque de publication, il est aisé ainsi de lister les ajouts ultérieurs.
Les premiers articles de notre affaire sont datés du début de 1956, selon René Descadeillas beaucoup de publications régionales reprirent le dossier de presse que Noël Corbu avait distribué lors d'un repas à la fin de l'année 1955... on retrouvera seulement les articles de deux quotidiens (la Dépêche et le Midi Libre), on n'a pas pour l'instant retrouvé d'autres relations locales de l'affaire.
Les articles suivants paraitront à l'échelon national, le 19 avril 1956 paraitra dans Ici Paris, un article signé de Jean Bazal et titré : "Trois squelettes à la place du trésor de Blanche de Castille, ajoutent au mystère du domaine de la belle Marinette"
Jean Bazal, en haut, la titraille du premier article national (tiré de rennes le château.doc) et à droite la "une" de V magazine, où officiaient Bazal, Charroux et les Ribières...
Jean Bazal n'est pas n'importe qui dans le domaine de la presse, oublié maintenant, il fût l'un des plus grands rédacteurs en chef de l'après guerre dans la presse dite de reportage... et c'est dans ce contexte qu'il rencontra Robert Charroux, les époux Ribières qui figurent parmi les premiers à avoir écrit sur l'abbé Saunière et son trésor.
C'est la thèse que je déroule dans mon livre (A l'origine de l'affaire de Rennes le Château) : les bases du mystère de Rennes que Gérard de Sède et Pierre Plantard ont utilisées viennent d'un corpus de textes et d'articles écrits entre 56 et 62... et l'équipe autour de Jean Bazal avait été d'un apport important. Si important que trouver un Jean Charnève également auteur sur Rennes, deux mois après Jean Bazal, venait tout simplement mettre ma thèse à plat !
J'ai donc enquêté sur le nommé Charnève.
On retrouve peu de référence sur son travail journalistique quand on fait une recherche sur les moteurs de recherches habituels et pour ce qui est de sa biographie, on ne trouve rien ! Voyons donc plus en détail les trois articles signés par Jean Charnève qui sont donc relevés par Google :
- Un article paru le 16 août 1959 dans "La patrie du Dimanche", journal canadien, article consacré au tournage d'un film à Sète (Babette s'en va en guerre) et où la grande partie du texte est consacrée à une interview de Brigitte Bardot.
Jean Charnève est donc l'envoyé spécial de l'hebdo canadien et c'est la seule fois où on le verra intervenir dans l'industrie cinématographique, alors que dans la panoplie des spécialités de Jean Bazal, on trouve des relations fortes et nombreuses avec le milieu du cinéma, ainsi il participe aux prestigieux Cahiers du Film, créés par Pagnol :
On trouve aussi le nom de Jean Charnève en tête d'un article sur le banditisme corse, article publié par Ici Paris, dont on rappelle que Jean Bazal et Robert Charroux furent également des journalistes du périodique. L'article de Bazal sur Rennes le Château est publié par Ici Paris, Charroux y travaillait et c'est par cet intermédiaire qu'il lança son appel, demandant aux lecteurs de lui faire parvenir les histoires (ou légendes) concernant les trésors disparus dont ils auraient entendu parler... Le journal reçu des centaines de réponses, historiettes qui furent à la base du fameux livres des "Trésors disparus..." de Robert Charroux qui évoquait pour la première fois dans un livre l'affaire du curé Saunière.
La Corse et le banditisme, c'est aussi le domaine de Bazal, il a écrit plusieurs livres sur le sujet et était considéré à l'époque comme le spécialiste du milieu corse :
Enfin, dernier article signé Charnève, qui apparait dans les résultats des moteurs de recherche, la relation d'un crime dans la revue Détective, Jean Bazal était le correspondant à Marseille de cette revue.... Micheline Ribières, également dans les premier(e)s à Rennes le Château écrivait dans Détective.
Bref, force est de constater que les trois articles trouvés en ligne et signés "Jean Charnève", seul ou en collaboration, pourraient être signés par... Jean Bazal !
Les mêmes spécialités (la Corse, le cinéma, le banditisme), la même localisation, le grand Sud (Bazal n'a jamais voulu quitter Marseille, c'est ce qui l'a fait abandonner V Magazine dont il était rédacteur en chef), le même angle d'attaque pour ses articles, il suffit de lire celui sur Rennes le Château et son insistance sur le sujet "la belle Marinette" et l'interview de BB dans l'hebdo canadien pour s'apercevoir que ce sont les mêmes préoccupations romanesques, dirons nous, qui prédominent dans la rédaction des articles...
Ci dessous une double page sur les trésors de France à laquelle Robert Charroux participe... le parti pris éditorial est évident
Après avoir recherché qui pouvait être Jean Charnève, essayons de voir si ce qu'il écrit dans son article apporte quelque chose de neuf sur ce que l'on connaissait à l'époque (juin 56 !) sur notre affaire. La totalité de l'article n'est pas donnée dans la relation que fait Michel Vallet , mais on a quand même quelques éléments qui permettent de faire la comparaison avec l'article de Bazal qui précède de deux mois celui de Charnève.
Ainsi, tous les deux parlent du trésor de Blanche de Castille, ce n'est pas original... plus étonnant, les deux se trompent sur la date de prise de possession du domaine par Noël Corbu, et ils se trompent de la même manière (année 46 au lieu de 47), tous les deux utilisent exactement la même expression "millions de francs or payé comptant" pour parler des dépenses de Bérenger. Les deux journalistes affirment que Marie vit au "château" et qu'elle est seule... les parchemins ont été trouvés, chez Bazal et chez Charnève dans "des rouleaux de bois"...
Bref, il parait évident que Jean Bazal et Jean Charnève ne font qu'une seule et même personne tant les faits concernant le pseudo nommé semblent coller à la personnalité du modèle !
Et s'il fallait encore une preuve de cette identité commune, nous la trouverions dans la généalogie de Jean Bazal, il en fait mention dans son livre "Le milieu and Co, confidences d'un journaliste" en disant que sa famille vient de Lozère (lui est né en région parisienne) et notamment d'Ispagnac (page 340), et nous retrouvons dans l'ascendance de Jean Bazal, un Bazalgette de Charnève... Bazal étant déjà un pseudonyme utilisé par l'auteur, son vrai nom étant Bazalgette !
Plus de doute à présent, c'est Jean Bazal écrivant habituellement dans des revues olé olé (V Magazine, Ici Paris) ou consacrée au banditisme (Détective, Police Magazine) qui a pris le pseudonyme de Jean Charnève pour écrire dans une revue pour adolescents...
Mais la thèse défendue dans mon livre A l'Origine de l'affaire de Rennes le Château ne se trouve pas contredite par cette belle découverte dans le journal Benjamin. Bien au contraire, cette nouvelle information vient corroborer ma théorie selon laquelle la diffusion de l'affaire de l'abbé Saunière s'est diffusée par l'intermédiaire d'une équipe constituée par les anciens de V Magazine, de Détective et cela autour de Robert Charroux qui jettera les bases de notre affaire !
Le livre (237 pages - 15 €) est disponible en ligne :
Et chez l'ami Tony Bontempi (en ligne et dans sa librairie itinérante) :
Pour avoir accès directement au livre sur le site de Tony :
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